Le silence est de glace • Rúni Brann & Lyna M. Yslöjeski

Messages : 5 Date d'inscription : 07/12/2019

Le silence est de glace

feat. Rúni Brann

Le froid mordant, la fatigue s’accumulant, jour après jour, à chaque pas, à chaque nuit difficile sous les vents glaciaux des Terres Boréales, tout ça n’était que de peu d’importance face à l’imposante et majestueuse vue que s’offrait à Lyna, face au Temple de Komera. Peu importe le nombre de fois où elle effectuait ce trajet fastidieux, elle ne se lassait jamais de ce paysage magnifique où le bâtiment dédié à la déesse semblait comme sortant de la glace pour laisser son peuple pénétrer à l’intérieur et se reposer.

Cela faisait quelques semaines déjà qu’elle avait entrepris ce périple dans la toundra sauvage et impitoyable, mais elle n’était pas seule. Accompagnée de quelques membres et de missionnaires du clan, il était possible de faire ce voyage une fois par an, aisément. La seule personne qu'elle avait laissé derrière était Nyev. Il avait mieux à faire avec le clan, que dans cette mission spirituelle.

En tant que cheffe de la tribu des Korân, Lyna ne se permettait ce détour que tous les quatre ans. Sa dévotion pour la déesse n'aurait su rencontrer aucune limite, mais elle avait nombre d’obligations chez les siens. Heureusement, son père et sa mère étaient restés en arrière et lui avaient promis de s’occuper de la tribu. Ils n’auraient bien aucun mal à le faire, puisqu’ils protégeaient déjà les siens avant même qu’elle ne soit née.

Dès le départ, elle avait senti que les bonnes grâces de Komera l’accompagnait. Le voyage s’était effectué sans encombre et il lui avait même semblé qu’ils avaient parcouru cette distance en un temps record, cependant peut-être n’avait-elle pour elle qu’une positivité extrême durant ces nombreux jours de marche. La jeune femme ne pouvait cependant pas ignorer ce sentiment puissant qui l’animait et la propulsait vers l’avant.

Pourtant, une fois aux pieds de l’immense édifice, quelque chose la troubla. Elle se sentait sale d’avoir tant marché et elle avait beaucoup mûri depuis son dernier passage au Temple. Un homme d’une quarantaine d’années la dépassa avant de se retourner vers elle, en remarquant son air prostré.

« Lyna ? Tu ne viens pas ? »

Prenant un instant pour réfléchir, elle déclina enfin l’offre avec un sourire rassurant.

« Je vous rejoindrai plus tard, la cérémonie de nos missionnaires ne devrait avoir lieu que dans quelques heures. » lui lança-t-elle avant de se retourner et de redescendre les escaliers de l’entrée.

Elle savait parfaitement où aller. Par le passé, elle avait eu l’occasion de se balader dans les alentours de ce lieu extraordinaire et avait repéré un lieu perdu dans la vallée, où un calme olympien semblait régner en permanence. Cavalant dans la neige comme un cheval fou, il ne lui fallu qu’une trentaine de minutes pour se retrouver dans ce lieu idyllique. Une rivière traversait les buissons recouverts de neige et terminait sur un petit lac dont on faisait aisément le tour.

Sans perdre un instant, Lyna retira son capuchon et plongea son visage tout entier dans l’eau glacée, avant de l’en ressortir en exprimant la légère sensation de brûlure que cela lui causa, par un cri net et puissant. Cette énergie libérée, c’était une première étape. Elle souhaitait par dessus tout se rendre au Temple changée, comme libérée de ce qui était celle qu’elle était la dernière fois. Bien sûr, Komera l’avait accompagnée sur la route qui était sienne, mais elle sentait ce besoin intense de se purifier.

Se rasseyant sur la berge, elle se mit dans une position proche du lotus et posa ses yeux sur la nature qui l’entourait. Puis, elle se mit à remercier. La nature, tout d’abord, et bien entendu Komera. Puis ses proches. Sa tribu. Elle-même… Fermant les paupières au fur et à mesure, se laissant absorber par le silence qui l’entourait…

L'image que je me fais de la rivière, en imaginant une sorte d'étang au bout:

Messages : 16 Date d'inscription : 07/12/2019

Le silence est de glaceft. Lyna M. Yslöjeski

Un mois s'était écoulé depuis son départ du village. Il avait éteint le feu de l'âtre, rangé grossièrement ses livres et ses fioles, fermé les volets et confié la clé à un voisin de confiance. Pas de plantes à arroser pour une fois, il était parti le cœur léger, avec seulement quelques nordems en poche et de quoi soigner, au cas où. Le rouquin avait arpenté les sentiers et les routes connues, évitant certains coins réputés pour leurs raids de bandits et faisant même un détour pour passer au large de ce qui semblait être une procession. Il les avait vu de loin, mais il avait jugé plus sûr de rester seul, un tel campement était souvent la proie de coupe-jarrets, et Rúni préférait ne pas s'y risquer. Il était allé de village en village, dormant dans une étable ou sur un coin de tapis près du feu en échange d'un service ou simplement grâce à la pitié des gens. Il n'avait pas grand chose à offrir mais il avait quand même pu soigner la vilaine plaie d'un enfant et la cheville tordue d'un homme. Peu de choses au final, mais cela le confortait dans l'idée qu'il devait faire de son mieux pour aider son prochain.

C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il cheminait en direction du Temple de Komera.

Non loin du lieu saint, il savait que certaines plantes poussaient plus facilement que dans son coin, des plantes dont les feuilles et les racines se révélaient cruciales dans la composition de certains onguents. Bien évidemment, il n'avait pas fait tout ce chemin rien que pour cela. Il avait également prévu d'aller prier les dieux, et principalement Naldr, comme il le faisait déjà chez lui chaque matin en se levant, et chaque soir en se couchant. C'était une habitude qu'il avait prise depuis que la vieille Gertha l'avait pris sous son toit, et il pensait sincèrement qu'à défaut de pouvoir se racheter pleinement, cette dévotion lui permettait de survivre encore un peu de sorte à pouvoir aider un maximum de personnes.

Le Temple était en vue. Le vent jouait dans les longues draperies écarlates qui ornaient les piliers principaux et devant les marches menant à l'intérieur, nombre de fidèles se distinguaient comme autant de petites tâches mouvantes. L'homme marqua une pause.

« Rare de voir autant de monde au temple en même temps... » murmura-t-il à lui-même.

Un frisson lui parcourut le dos à l'idée de devoir évoluer en la présence d'autant de personnes, et il finit par se dire qu'il irait prier plus tard, après sa cueillette. Il fit donc un crochet en direction de là où il avait trouvé les plantes la dernière fois, son regard azuré se baladant de chaque côté du petit sentier jusqu'à finalement apercevoir le coude d'une rivière. Ah ! Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, c'était par là ! Remontant le long du cours d'eau, un léger sourire s'était étalé sur ses lèvres gercées alors qu'il s'impatientait déjà de trouver les plants. S'il pouvait en récupérer une bonne quantité, il aurait même de quoi faire quelques cataplasmes voire une petite infusion. Et s'il était chanceux, il trouverait même quelques baies sauvages. Ce n'était plus vraiment la saison, mais la flore des Terres Boréales montrait une vigueur exceptionnelle, en dépit de la neige et du froid.

Soudain, son visage s'éclaira alors que son regard venait de buter sur la forme singulière d'un buisson. Que Komera veille sur les nordiens, c'était exactement ce qu'il cherchait. D'une main, il libéra une branche de la neige qui l'alourdissait, et de l'autre il s'empara de son couteau. Avec minutie, il entreprit de tailler les branches les plus frêles, récupérant les feuilles des plus robustes et déposant le fruit de sa récolte dans sa besace. Une fois l'arbuste dépouillé sur l'extérieur, il lui fallait maintenant atteindre le véritable trésor : les racines. Frottant ses mains l'une contre l'autre, il finit par agripper les branches dénudées qui restaient et par essayer de tirer. Bien évidemment, il avait entaillé le sol autour du petit tronc principal, de sorte à l'attendrir pour essayer de faciliter son extraction. Il pesta, grogna, mais rien à faire. L'arbuste ne voulait pas bouger. Rúni força, poussant et tirant de toutes ses forces et- CRAAAC ! En une fraction de seconde, l'homme se retrouva les fesses dans le lit glacé de la rivière, une branche cassée dans chaque main.

Il serra les dents. Surtout, ne pas crier.

Un gémissement plaintif se glissa néanmoins à travers la barrière de ses lèvres comprimées. Quelle honte ! Heureusement que personne n'était dans le coin... N'est-ce pas ?

» Mythe des Terres Boréales : La pierre du feu dans la glace, ou la Pyripaga
» De neige et d'argent {Rùni • Lyrian}
» Le sable et la neige [ Adiba et Rûni ]