Page de Journal - N°X [Flashback]

Cher Journal,

Il est rare qu'en ses lignes je te conte de simple histoire de rencontres, sinon, foi d'Asharok, tes pages seraient déjà noircie. Néanmoins, cette rencontre-ci m'a parut si particulière qu'il me faut la conserver quelque part, autre que ma mémoire au cas où celle-ci me ferait un jour défaut.

Cette journée avait commencé comme n'importe laquelle, le Professeur Hanrie s'est rendu en ville et elle n'a guère voulu que je l'accompagne. Cela ne me surprend plus maintenant, quand je vois déjà les regardes que me lancent certains voyageurs, qu'est-ce que ce serait en ville ! Et pourtant, j'aimerai bien m'y rendre... Ne serait-ce qu'une fois, par curiosité. J'aimerais découvrir la capitale et les merveilles qui s'y cache... Enfin bref ! Là n'est pas le sujet. Comme d'habitude quand je suis seul, je voulais me rendre en forêt, exercer ma plume, bercé par le seul son de la nature. Une fois n'est pas coutume, j'ai changé un peu de chemin, préférant un peu d'aventure et de nouveauté à la platitude de la routine. ... Je me demande encore si c'était une bonne ou une mauvaise chose.

Le fait est que je regardais autours de moi sans vraiment faire plus attention que ça... Et puis j'ai sentis quelque chose se resserrer autours de ma cheville. Je n'ai pas eu le temps de me demander de quoi il s'agissait. Emporté par un geste brusque, je me retrouvais dos et tête sur le sol, arrière train sur-élevé et une patte en l'air tendit que l'autre pendait dans le vide. En essayant de comprendre le pourquoi du comment de cette histoire, j'aperçus bien vite une corde attaché autours de ma patte, elle passait par la branche d'un arbre qui pliait sous mon poids. ... Je devais saluer la force de ce végétal. Celui qui avait choisis où accroché cette corde avait su dénicher la parfaite branche. Si j'avais été plus léger, je me serait sans doute retrouvé dans les airs, la tête en bas. Doucement, je me mis à agiter la patte, la corde se resserra et j'entendis un son de clochette. Sans doute l'objet était-il accroché à la corde où la branche mais je ne l'avais guère vu. ... Je ne vais pas mentir, j'ai un petit peu paniqué sur le moment. J'ai essayé, sans y parvenir, de me redresser pour atteindre ma patte ou la corde. Par tout les dieux... Je devais avoir l'air ridicule, je devrais vraiment me mettre au sport.

Toujours est-il que je n'ai pas réussi à me détacher, et vu le boucan que je faisait à cause de la clochette, je n'ai même pas entendu des pas feutré s'approcher. Mon sang s'est glacé en sentant une présence dans mon dos.

- Je... Je n'ai rien sur moi, je vous le jure ! Je ne faisais que passer !

Je fermais les yeux, attendant que ça passe. Il y eut un silence, puis un rire cristallin qui me fit ouvrir un œil. Le tout pour apercevoir une silhouette féminine portant une carte très courte équipée d'une capuche lui masquant le haut du visage. Je ne pouvais apercevoir que le bas : sa bouche et son menton. Le tout avait l'air humain, et je ne savais pas si je devais trouver ça rassurant ou non. Enfin, humain mais avec une peau  plus rouge. Un peu comme quelqu'un qui aurait prit un coup de soleil. Je déglutis, ne sachant trop à quoi m'attendre.

- Je m'attendais à quelque chose de plus petit et plus silencieux en tendant ce piège.

Fit-elle simplement amusée avant de me contourner pour atteindre la corde. Elle y posa une main et de l'autre, sortie une dague. J'ai un peu honte de l'admettre, surtout parce que son comportement laissait assez peu de doute sur son attention, mais j'ai essayé de retirer ma patte du piège avant qu'elle ne le touche, sans succès.

- Allons, inutile de paniquer comme ça, vous allez seulement réussir à vous blesser.

Je ravalais ma salive.

- Navré Ma Dame, mais vous comprendrez que tomber dans un piège n'est pas des plus rassurant !

Elle s'est tourné vers moi un instant, avec un sourire en quoi.

- Vous m'avez tout l'air de quelqu'un d'instruit, vous devriez savoir qu'il n'y a pas que des bandits qui posent des pièges.

Et sans attendre davantage, elle coupa la corde. Mon pied retomba lourdement au sol et je cherchai désespérément à me replacer dans une position plus présentable. Devant ma détresse, la jeune femme rangea son arme et s'approcha de moi pour m'aider à me relever.

- M... Merci, Ma Dame. Ahem. Laissez moi, je vous prie, le plaisir de me présenter.

Je fis une légère révérence qui sembla l'amuser.

- Je suis Asharok de Kerdilon. Apprenti du Professeur Hanrie, auteur et musicien à ses heures perdues. Et vous êtes ?

Elle répondit plus sobrement.

- Noetia Shimdra. Simple chasseuse. Je ne peux me vanter d'avoir autant de titre que vous, Messire.

Au sourire qui ornait son visage et au ton qu'elle employait, je pouvais aisément deviner qu'elle se moquait de ma façon de parler. Le petit rire qui s'en suivit ne fit que confirmer mon idée. Mais "moquer", n'était peut être pas le bon terme. Elle ne riait pas de manière méprisante, non elle semblait sincèrement amusé comme s'il eut s'agit d'un simple jeu. C'était étrange et différent de ce à quoi j'étais habitué, mais ça ne m'empêcha pas de plisser légèrement les yeux de mécontentement. Elle sembla le remarquer et s'excusa rapidement. La discussion qui s'en suivit me parait aussi anecdotique, aussi vais-je la passer. Pour résumé, elle m'expliqua juste qu'elle n'était pas vraiment habitué à croiser des gens par ici, encore moins des Drakéide, et encore moins des "Drakéides artistes et apprenti scientifique" pour reprendre ses termes. Je voulu lui demander un instant si ma race lui posait problème comme elle posait problème à tant de monde, mais n'en eut pas le temps. La jeune femme me questionna sur la raison de ma présence et quand ma réponse fut formulée, elle me proposa de me montrer un charmant endroit dans la forêt pour se faire pardonner de m'avoir pendu de la sorte. J'étais déjà certains de tout savoir sur ce bois, mais après tout, pourquoi pas ? Je lui fis tout de même remarquer qu'elle n'était pas très prudente à trainer de la sorte avec un parfait inconnu, que j'aurais pu être dangereux. Cette remarque la fit rire. Encore. ... Sans doute ne s'inquiétait-elle pas de devoir se battre avec quelqu'un de suffisamment pataud pour tomber dans un piège si évident.

L'endroit auquel elle m'emmena était en effet charmant. Pas extraordinaire, mais charmant. Une petite clairière avec un rocher moussu en son centre et des rayon de lumière illuminant l'endroit. Classique mais efficace. Un lieu prompt à l'inspiration. Entre les remarques et question que je lui avais posé sur la route et la description oral que je faisais maintenant de cette endroit, ma guide me fit remarquer que je parlais beaucoup, beaucoup trop. Cela avait l'air de la changer.

- Vous ne voyez pas grand monde, n'est-ce pas ?

Elle n'avait pas été très bavarde face à mes questions.

- Je préfère éviter.

Je ne comprenais pas pourquoi. Certes, elle se montrait plus discrète que moi. Mais elle me semblait être une personne des plus sympathique et de charmante compagnie. J'ai dû la fixer un peu trop longtemps de mon regard interrogateur car elle secoua doucement la tête en affirmant que c'était mieux ainsi. Que vu le pays dans lequel nous nous trouvions, c'était plus prudent. ... Là aussi, j'avais du mal à comprendre. Elle semblait humaine, plus que moi en tout cas. Et puis, oui, effectivement, il y avait cette peau rouge et... En la détaillant avec plus d'attention, mon regard descendit jusqu'à sa taille. Je reculais d'un pas sous le coup de la surprise. Ce qui était enroulé autours de sa taille, ce n'était pas une ceinture, c'était une queue. Peau rouge, queue, silhouette humaine... Il ne manquait qu'un détail pour s'assurer que Noetia était bien ce que je pensais... Mais ce détail était encore et toujours caché sous sa capuche.

La jeune femme suivit mon regard et sourit légèrement. Un sourire coupable presque. Je devais avoir mis la griffe sur quelque chose. Elle me fit remarquer que ma curiosité était mal placé. Je ne pouvais qu’acquiescé. Avant d'ajouter qu'il faut bien des gens à la curiosité mal placé dans ce monde, sinon on ne découvrirait jamais rien. Elle opina du chef mais n'ajouta rien de plus, me laissant frustré et sans réponse claire. Alors, je me risquais à demander :

- ... Tieffelin ?

Il y eut un silence et je crus l'avoir vexée. Je la vis tourné la tête à droite, à gauche, comme pour s'assurer qu'il n'y avait personne et elle se découvrit. Pour avoir grandit dans un milieu cerné de regard mauvais, je pouvais comprendre sa réticence à montrer sa différence. Moi, je n'avais pas eu l'occasion de la cacher. Mais si j'avais pu, est-ce que je l'aurais fait ? Bien sur que oui, par tout les Dieux ! D'ailleurs, je ne doutais pas que si j'avais été un humain, Noetia ne se serait pas montrée, peut être même m'aurait-elle laissé dans son piège. Pour une fois qu'être un gros lézard jouait en ma faveur ! Mais bref.  C'était bel et bien une Tieffelin. Peau rouge, queue, silhouette humaine et tête cornue. Des cornes relativement discrète, pointée vers l'arrière et partiellement caché par une masse de cheveux noir. Et pourtant, cher journal, ce n'est pas ce que j'ai le plus regardé chez cette jeune femme. Non, c'était surtout ses yeux. ... C'étaient de très beaux yeux, que je ne ferais pas l'affront de décrire ici tant je les décrirais mal.

Noetia remit bien vite sa capuche avant de me regarder, elle devait s'attendre à une toute autre réaction que mon air béat, suivit d'un cri de joie et d'un "je le savais". En tout cas, c'est ce que j'en déduis à son sursaut. Je n'avais jamais rencontré de Tieffelin. Et je le lui ai fait savoir, lui ai posé tout un tas de question, jusqu'à ce qu'elle prenne ma mâchoire entre ses mains pour me forcer à la fermer. Personne ne s'est jamais montré aussi familier avec moi ! Mais pour sa défense, il me semblait qu'elle essayait de me dire de baisser d'un ton.

- Je suis ravie de savoir que la nouvelle ne vous met pas mal à l'aise, mais est-ce que vous pourriez baisser d'un ton.

Je marmonnais un "pardon" incompréhensible. Mais j'en savais si peu sur cette espèce ! ... Bon, je savais qu'ils étaient assez mal perçu, mais à part cela. D'ailleurs, j'avais du mal à comprendre pourquoi ils étaient si mal perçu, ils semblaient pire que les Drakéides dans les descriptions qu'on en fait, pourtant ils ont l'air bien plus humains.

J'aurais voulu lui poser plus de questions mais elle me fit savoir que, contrairement à moi, elle n'avait pas toute la journée. Elle me salua et se mit en route pour partir, je ne la retins pas. Néanmoins, je lui fis savoir que j'avais des questions à lui poser et que si elle voulais bien y répondre, je serais encore là dans quelques heures. Elle ne m'a pas répondu sur le coup mais est revenu quelques heures plus tard. Je voulais lui poser toute mes questions d'une traite mais elle ne m'en laissa pas l'occasion, notre jeu fut celui d'une question à tour de rôle. Mes questions se posèrent davantage sur son espèce et les sienne sur moi... Et puis je me suis laissé prendre au jeu de lui poser des questions plus personnelles. Ensuite, j'ai dû rentrer et nous sommes reparti chacun de notre côté, tout simplement.

Tu te doutes, cher Journal, ce si cette rencontre s’arrêtait là, je n'aurais pas prit la peine de l'écrire. Le fait est que le courant passe bien entre nous et je n'ai guère l'occasion de me lié d'amitié avec qui que ce soit ici. Elle non plus apparemment. Elle m'aime bien, je l'aime bien et nous avons tout les deux besoins d'un ami, inutile d'être un génie pour comprendre que nous allons nous revoir prochainement. J'espère juste ne pas tomber dans un piège et me ridiculiser une seconde fois.